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Kevin Escoffier  et Nicolas Lunven : « La clef, c’est la polyvalence … »

Kevin Escoffier  et Nicolas Lunven : « La clef, c’est la polyvalence … »

Ils n’avaient jamais couru ensemble mais font des étincelles depuis qu’ils ont récupéré PRB au mois d’Août. La facilité avec laquelle Kevin Escoffier et Nicolas Lunven ont pris en main leur projet souligne l’énorme expérience cumulée par ces deux marins très complémentaires. Mots croisés dans le cockpit de leur IMOCA 2009 équipé de foils en 2018 par son ancien skipper Vincent Riou.

Deuxième au Fastnet, deuxième au Défi Azimut, vous n’avez pas mis longtemps pour prendre en main PRB. Tout à l’air facile pour vous…

Kevin Escoffier : « Ça a bien démarré en effet. PRB est polyvalent, nous l’avons récupéré avec une polaire et un guide d’utilisation bien faits. Au départ du Fastnet, nous n'avions que deux ou trois entrainements, nous avons navigué en nous fiant à ces données et tout s’est bien passé (2). On a pu depuis enrichir le guide, j’ai redessiné quelques pièces, notamment pour le vérin de quille et on a changé plusieurs réglages sur les foils. Bref, l’équipe n’a pas arrêté ! »


Qu’avez vous modifié sur les foils ?

Kevin : « Ce n’est pas simple à expliquer sans dessin mais  on a modifié l’incidence du Shaft, c’est à dire la partie du foil qui sort de la coque. On l’a tourné pour que le bateau puisse décoller un peu plus tôt. Nous avons validé ce réglage au Défi Azimut. PRB reste très polyvalent, bon au près et en descente mais on essaie de combler notre déficit au reaching par rapport aux nouveaux foilers, car ils vont continuer à progresser. »

 

Vous avez accumulé une belle expérience sur de nombreux support ? Y  en a-t-il une déterminante qui vous aide à bien aborder ce projet IMOCA ? 

Nicolas Lunven : « Aujourd’hui, les montages de projet s’orientent de plus en plus vers un pilote qui s’appuie sur un bureau d’études. Et la particularité du projet PRB c’est que Kevin a la double casquette ingénieur-navigant. Il le disait à l'instant :  il redessine des pièces, il modifie des trucs, je n’aurais pas cette compétence. Il a travaillé dix ans comme responsable du Bureau d’études de Banque Populaire avec les IMOCA, les Ultimes. Entre-temps, il a fait deux Volvo et des Trophées  Jules Verne avec la double casquette ingénieur-navigant. C’est pour ça qu’aujourd’hui, ça l’air si simple ! »


La culture Volvo est aussi passée par là ?...

Kevin : « Je suis allé cherché Nico pour son expérience du solo que je n’ai pas. Je l’exploite au maximum ! Et le fait qu’il ait fait la Volvo n’est pas anodin bien sur. Je connais les exigences de cette course. Tu navigues avec les gens au top niveau, tout paraît évident à bord et tu finis par reproduire ces réflexes : les procédures de départ, le marquage, le positionnement, les timings de changements de voile etc… C’est un peu le Figaro en équipage, il n’y a pas beaucoup mieux. On régate pendant 9 mois à armes égales en ne pensant que bateau 24 heures sur 24, il en reste toujours quelque chose… »

Et la culture multicoque, elle devient importante sur ces monocoques volants ?

Kevin : « Oui, il faut puiser le bon partout. L’expérience en multicoque t’apprend à gérer ton bateau et t’habitue aussi aux hautes vitesses. Quand tu fais des heures de barre à 40 nœuds et que tu reviens à 27 nœuds sur un monocoque, tu sais que tu ne vas pas mourir ! »

Nicolas : « A 30 nœuds sur Gitana, tu es en vacances. A 40, tu vois qu’il se passe quelque chose. Sur un IMOCA, ça se décale. Quand tu franchis les 20 nœuds, il se passe un truc. Avant, c’est tranquille. Les Class 40, ça doit être autour de 15 nœuds j'aimagine et sur ton Océanis de croisière, c’est 8 ! ...»

Quelle impression vous laissent les nouveaux bateaux ? 

Nicolas : « Deux bateaux nous semblent un ton au dessus en terme de finition : Hugo Boss et Apivia. Je ne parle pas des performances. Charal est bien sur le référent. Il semble éprouvé. L’année passée n’a pas du être facile pour Jérémie mais le résultat est là.

On a vu des images incroyables d’Hugo Boss mais tout le monde peut sortir des images incroyables de vol aujourd’hui. Après, il faut transformer. Ce qui est certain , c’est qu’ en termes de design, de raffinement, de dessin de pièces mécaniques, c’est magnifique. 

Apivia nous a aussi bluffé car lorsque nous sommes partis courir le Fastnet, ils étaient toujours en chantier. Et lorsqu’on est rentré, on a enchainé sur un stage à Port La Forêt et ils étaient déjà dans le coup. Quand tu vois comme ces bateaux sont compliqués »

 

Y a-t-il selon vous de bonnes ou moins bonnes façons de voler ?

Kevin : « L’idéal, ce serait de pouvoir le faire les deux modes. Vol haut, vol bas. J’ai l’impression que le concept de foils d’Hugo Boss doit pouvoir lui permettre de faire ça. Charal le fait peut-être aussi. Sur un tour du monde, il faudra être polyvalent. C’est aujourd’hui la force de PRB, c’est même la clef. Le vainqueur demain, c’est celui qui saura adapter son mode de vol aux conditions. Voler haut quand les conditions sont faciles, en avant d’un front pour accélérer par exemple et savoir calmer le jeu en mode skimming au ras de l’eau quand les conditions ne permettent plus d’attaquer fort. 

Aujourd’hui, certains bateaux neufs sont up and down. Parfois tu les vois à 34 nœuds à l’AIS et un quart d’heure après à 17. Pendant ce temps, si tu tiens 25 nœuds constants, tu es dans le match mais il faut continuer à évoluer car tous les nouveaux vont progresser. »

 

Le plateau est exceptionnel cette année, comment vous situez vous ?

Kevin : « Ce qui est très intéressant, c’est l’apport de plusieurs architectes qui ont des réponses très différentes sur un même sujet. L’IMOCA est sur une classe ouverte de prototypes et il faut garder cette richesse. On attend encore le bateau d’Armel Tripon dessiné par Sam Manuard, je trouve ça super. C’est le signe d’une bonne santé. Et puis les foils font un gros gap. Avant on progressait par demi nœud. Là, on a pris 4 nœuds.

Pour analyser les forces en présence, il ne faut plus parler de générations de bateaux mais de générations de foils. Regarde MACSF qui date de 2007, il a montré de très belles attitudes avec ses nouveaux foils. Initiatives Cœur aussi et Sam et Paul forment un beau duo.

Entre les bateaux neufs, les protos bien refeatés et les bateaux de 2016 bien menés comme Maitre CoQ, ça fait un sacré plateau. Et je n’oublie pas Eleventh Hour, bateau un peu lourd mais très performant au portant avec à bord Charlie Enright et Pascal Bidégorry qui ont une grosse expérience Non seulement, il y a 29 bateaux, mais le niveau de préparation global est bien au dessus des années précédentes. C’est une chance énorme de se trouver à ce carrefour »

Comment s’est formé votre duo ?

Kevin : « On n’avait jamais navigué ensembles mais on ne s’est pas encore engueulé une seule fois ! A bord, je peux être un peu ronchon, en fait je suis à bloc, dans le combat. Nos personnalités sont très différentes mais on est tous les deux très compétiteurs. Nicolas paraît très calme comme ça, mais si on perd une place, il n’est pas du tout content ! »

Donc l’objectif, c’est de gagner la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre ? !

Nico : « On part pour faire un podium, mais peut être que si on fait cinquième derrière quatre bateaux plus rapides sur le papier et qu’on a bien navigué, on sera contents. »

Kevin : « Quand les conditions sont maniables, il faut être à 100%. Si c’est un peu sport, il faudra faire attention. De toutes façons, si tu sors des conditions chaudes sans casser et pas trop fatigué, ça se passe toujours bien derrière. Je ne m’attends pas à un gros écrémage technique car chacun va y aller doucement sur les nouveaux bateaux mais il ne fait pas oublier que les bateaux font tous 3 mètres de plus de large avec leurs foils et que la mer est couverte d’OFNI. »

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