L'actualité de la course

LE FILM DE LA COURSE :  IMOCA : L’incroyable scenario

LE FILM DE LA COURSE : IMOCA : L’incroyable scenario

Catégorie reine par le nombre de bateaux, leur variété et  le niveau sportif des tandems, l’IMOCA promettait beaucoup au départ du Havre. Et elle n’aura pas déçu, loin de là ! Au terme d’une course qui a multiplié options et rebondissements, la Route du café 2019 est un cru exceptionnel. Elle confirme la nette supériorité  de Charal en performances pures, consacre Apivia, brillant vainqueur sorti de chantier trois mois plus tôt, et met en lumière plusieurs duos percutants à bord de foilers, mais aussi d’IMOCA à dérives. Retour sur une édition historique.

Plateau exceptionnel, météo inédite

29 IMOCA dans le bassin Paul Vatine, c’est le plus beau plateau jamais réuni sur une Route du café dans cette catégorie. Ils sont 16 foilers à s’élancer dont quatre sont sortis de chantier cet été. Issus de trois cabinets d’architecture différents, Apivia, Advens for Cybersécurity, Arkea Paprec et Hugo Boss disputent leur première transat et viennent se frotter au référent de la catégorie Charal. Il leur faudra compter également sur trois foilers remis au goût du jour –Intiatives Cœur, MACSF et PRB –  cinq autres très performants datant de 2015 et ce que l’on fait de mieux en matière d’IMOCA à dérives.

Le jeu est d’autant plus ouvert que cette année, la situation météo inédite oblige à choisir entre deux voies radicales. Foncer plein ouest à l’assaut d’une dépression stationnaire pour redescendre par les Açores ou se faufiler le long de la péninsule ibérique. Avant le départ, la voie du Sud paraît bouchée par les hautes pressions. Les duos ont jusqu’au large d’Ouessant pour décider. Leader de l’option Ouest, Yannick Bestaven (Maitre CoQ) avouera à Salvador de Bahia : « L’ouest, on voulait y aller avant même de monter sur le bateau. Un peu trop sans doute ! »

Le grand échiquier

36 heures après le départ, la donne a un peu changé. L’option Sud est en train de s’ouvrir, elle sollicite moins les bateaux et c’est tout de même la route directe vers Salvador de Bahia…  23 bateaux plongent, et à bord de Charal, Jérémie Beyou et Christopher Pratt hésitent. C’est eux, les favoris qui ont le plus à perdre dans ce jeté de dés, et il ne leur a pas échappé qu’Hugo Boss a filé vers l’ouest après une belle démonstration de vitesse en Manche.

Malgré des conditions météo clémentes, trois bateaux sont forcés à des arrêts techniques. Advens for Cybersecurity et VandB Mayenne repartiront rapidement mais MACSF qui a talonné au départ en passant la bouée d’Etretat abandonnera finalement sa course à Lorient…

72 heures après le départ, les choses se décantent. Charal a finalement rejoint le groupe du Sud emmené par Apivia (Charlie Dalin-Yann Eliès)  et dans lequel Banque Populaire, Groupe Apicil et Corum l’Epargne,  meilleurs IMOCA à dérives se régalent. Et les leaders de l’Ouest courent toujours après une bascule qui ne viendra jamais vraiment. L’écart latéral entre les deux groupes atteint 830 milles lorsque les cinq bateaux virent de bord le 31 octobre. Leur leader Maître CoQ, suivi de Bureau Vallée qui s’accroche dans sa roue, a plus de 200 milles de retard et l’hémorragie ne fait que commencer…

Charal, comme un avion

Le premier novembre, à la sortie de la dorsale qui ouvre les portes de l’alizé, Charlie Dalin  et Yann Eliès filment Charal volant 2 à 3 nœuds plus vite qu’eux. Un moment de vérité qui n’est qu’un début. Car dans l’alizé, Charal démontre qu’il survole les débats, y compris au portant VMG où la supériorité des foilers est en théorie moins criante qu’au vent de travers. Creusant mille après mille, Jérémie Beyou et Christopher Pratt mènent un train d’enfer. Leur avance culmine à 120 milles le 5 novembre à midi à l’entrée du Pot-au-noir. Personne ne résiste au foiler noir. Ni Apivia, ni 11th Hour Racing

(Charlie Enright et Pascal Bidegorry) excellent au portant, ni PRB (Kevin Escoffier, Nicolas Lunven) à l’aise à toutes les allures. Navigant plus bas et sous spi quand les autres loffent sous gennaker, Banque Populaire (Clarisse Crémer,Armel Le Cléac’h) s’accroche toujours dans les cinq premiers.

Après avoir été nettement ralentis par les hautes pressions, les leaders du groupe de l’Ouest accusent le 2 novembre plus de 400 milles de retard.  Ce jour-là, enfin lancé à 25 nœuds dans l’alizé, Hugo Boss percute un OFNI et arrache sa quille. Sonnés mais pas blessés, Alex Thomson et Neal Mac Donald tronçonnent de longues heures durant le vérin qui retient les quatre tonnes de lest et rallient Mindelo au Cap Vert par leurs propres moyens.

L’infortune du pot

Le 5 novembre,  Charal rentre dans le Pot-au-noir, bien décalé à l’ouest comme l’ordonne la théorie. Après quelques heures de progression correcte, un grain stoppe leur course. Ils resteront bloqués près de trois jours, une véritable punition. « On en a pleuré chacun notre tour, on passait des heures sur le pont à virer, empanner, trempés, pas de vent, de la pluie, on ne voyait pas le bout du tunnel ! C’était cauchemardesque » racontera à l’arrivée Christopher Pratt. Charal a balisé le terrain pour les concurrents qui déboulent par l’arrière. Charlie Dalin et Yann Eliès se décalent dans l’est. Nettement moins ralentis, ils ressortent le 7 novembre du tunnel et cavalent déjà à 15 nœuds. Banque Populaire est deuxième et Charal, sixième, a perdu 400 milles dans l’opération.

Le grand bord de 1000 milles dans l’alizé de sud-est n’est plus qu’une formalité pour Apivia qui réalise un coup de maître. « Un coup de Pot ! » rectifie dans la nuit Yann Eliès  devant les micros à l’arrivée. S’ils sont conscients de leur réussite, Charlie et Yann signent une copie parfaite sur un bateau bien né et mis au point en un temps record par l’écurie Mer concept.

Remontadas

Mais derrière, la course au podium et aux places d’honneur n’est pas terminée. Charal retrouve du souffle et parvient à doubler trois bateaux sur la descente vers Salvador de Bahia. Faisant preuve une nouvelle fois d’une vitesse insolente, le foiler noir termine à quelques longueurs de PRB, deuxième. C’est la confirmation de tout le talent de Kevin Escoffier et Nicolas Lunven à bord d’un IMOCA très polyvalent.  Pour Jérémie et Christopher qui bouclent avec panache cette Route du café, monter sur le podium sonne comme un lot de consolation.

Au chapitre des remontées, celle de VandB Mayenne, reparti bon dernier de Brest le surlendemain du départ et qui termine 16ème est le signe d’une belle maîtrise de Maxime Sorel et Guillaume Le Brec. Mais c’est bien celle d’Advens for Cybersécurity qui impressionne le plus. Accusant 435 milles de retard le 3 novembre au large des Canaries, Thomas Ruyant et Antoine Koch sont classés cinquième à Salvador de Bahia. Leur plan Verdier mis à l’eau en septembre a montré un potentiel remarquable au près et au reaching.

Cette année, le Pot-au-noir passait à l’Est. Maître CoQ, Groupe Apicil et Corum L’Epargne en ont fait les frais alors que Bureau Vallée tire ses marrons du feu et rentre dans les dix.

Premier bateau à dérive, Banque Populaire qui a effectué 200 milles de moins que les leaders grâce à une trajectoire exemplaire ne peut faire mieux que sixième. Une vraie scission s’opère entre foilers et dérives, même si le schéma météo n’était pas spécialement à l’avantage des premiers cette année.

En deux ans, la hausse du niveau est palpable en IMOCA.  Pendant la célébration des skippers à Salvador de Bahia, lorsque Serge Herbin appelle sur scène les tandems de  la 11ème à la 14ème place, les CV des huit skippers cumulent 7 victoires dans la Solitaire du Figaro, 3 dans la Route du café, 3 dans la Route du Rhum, et 2 médailles d’or olympique. Pas mal pour un milieu de tableau !…

 

 

 

 

 

 

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