L'actualité de la course
LE FILM DE LA COURSE : CLASS40 : Intouchables
Eloge de la différence
Avec 27 inscrits cette année, la Class40 démontrait encore une fois sa bonne santé. La photo de famille au départ du Havre mêlait comme à son habitude duos de pros et tandems d’amateurs. Les uns viennent du Figaro, de l’olympisme ou ont déjà touché de l’IMOCA. Les autres ont une Mini-transat ou deux dans les bottes. Parfois, c’est leur première transat. Ce n’est pas un hasard si le plus jeune équipage avec 20 ans et demi de moyenne d’âge (E. Leclerc) embarque en Class40. C’est aussi dans cette catégorie que l’on trouve le plus de duos où la transmission de l’expérience est à la base du projet : Emmanuel Le Roch embarque Basile Bourgnon (17 ans), Frédéric Duchemin, Martin Louchart (17 ans également), Marc Guillemot s’aligne avec William Mathelin-Moreaux et Kito De Pavant avec Achille Nebout…
Sur le plan architectural aussi, l’offre est assez variée. Présent au Havre, le premier Class40 Terre Exotique date de 2003 et permet de mesurer le chemin parcouru en 15 ans. Aux côtés d’une dizaine de bateaux produits en série (Akilaria, Pogo,…) une bonne moitié sont des prototypes très affûtés. Et au milieu, deux bateaux tout neuf surprennent le public dans le bassin Paul Vatine. Avec leur étrave spatulée et leurs formes avant, ils rappellent les Scows, ces bateaux de régate aussi large à l’avant qu’à l’arrière qui naviguent sur les lacs américains. On sait la formule gagnante en Mini 650. Est-elle valable sur les Class40 ? S’ils impressionnent le public, ces deux bateaux ont été mis à l’eau au mois d’Août et il leur faudra être capable de suivre la cadence des bateaux éprouvés…
Entame musclée
Car ça commence très fort en Manche la première nuit. Sous grand spi et grand-voile arrisée, les compteurs s’affolent dans la nuit noire. Aux surfs à plus de 20 nœuds, succèdent parfois de violents plantés. Et boum ! Le leader Lamotte-Module Création, démâte au large de Roscoff. C’est un gros rappel à l’ordre. Certains lèvent le pied et se font déjà distancer par les gros bras. D’autres pansent leurs plaies avec pas mal de spis déchirés et de couture à la clef. Sur Beijaflore, William Mathelin-Moreaux se blesse à l’épaule et l’équipage rentre à la Trinité-sur-mer le lendemain du départ. Après le portant sauvage, voilà la flotte chahutée au près océanique. Deux tandem renoncent et se retirent de la course : SOS méditerranée et le duo japonais de Kiho.
On retrouve très vite les favoris aux avant-postes : Leyton mené par Sam Goodchild et Fabien Delahaye, mais aussi Aïna Enfance et Avenir du tandem Chappellier-Leboucher qui a gagné toutes les courses de la saison. Kito de Pavant et Achille Nebout (Made in Midi) tiennent la cadence au près tout comme Louis Duc et Aurélien Ducroz (Crosscall Chamonix Mont Blanc). D’autres surprennent à l’image d’Entraide Marine-Adosm. A bord de ce Pogo 40 de série, Charles-Louis Mourruau et Estelle Greck font une remarquable entame de course mais démâtent malheureusement le 1er novembre alors qu’ils pointent en sixième position.
Crédit Mutuel s’envole
Mais dès le jeudi soir, à la latitude de Lisbonne, quelque chose commence à clocher dans les classements. Sur le long bord de reaching pour rejoindre les hautes pressions, Crédit Mutuel est le plus rapide de toute la flotte. Dès le départ, Ian Lipinski et Adrien Hardy ont optionné au nord de la Manche et se retrouvent décalés maintenant dans l’ouest. Ont-ils plus de vent ? Toujours est-il qu’en 24 heures, Crédit Mutuel gagne 5 places et s’installe en tête, le 2 novembre. Plus le vent forcit et adonne, plus Crédit Mutuel démontre sa supériorité, jusqu’à exploser le record de vitesse en Class40 le 5 novembre : 415,86 milles en 24 heures à 17,3 nœuds de moyenne, qui dit mieux ! « Le bateau avance tout seul, on a trouvé la bonne voilure, on ne fait que le surveiller » raconte Ian Lipinski le lendemain matin. « On est sous spi médium avec 1 ris et 2 ris dans la grand-voile. On se déplace à quatre pattes, ça bouge beaucoup, on essaye de ne pas se blesser. Ca mouille un peu sur le pont mais je pense que ça n’a rien à voir avec les copains de derrière »
Le 7 novembre, l’écart sur Leyton culmine à 80 milles puis se réduit à 50 au passage du Pot-au-noir. Leyton y est encore au coude à coude avec Aïna Enfance et Avenir mais un dernier nuage douche les espoirs d’Aymeric Chappellier et Pierre Leboucher qui restent arrêtés cinq heures… Le podium ne bougera plus jusqu’à Salvador de Bahia. A son arrivée, l’analyse du deuxième Fabien Delahaye est implacable : « Au large dans la mer formée, c’est là que s’est fait la différence. Sur Crédit Mutuel, Ian et Adrien ont pris des risques en sortie de Manche, nous avons été plus conservateurs. Leur décalage nord puis ouest a été payant, le bateau s’est vite envolé. Un bateau qui va vite au bon endroit, c’est sûr que ça fait des ravages ! »
Epilogue
La force de Crédit Mutuel aura aussi été de tenir une cadence infernale du Havre à Salvador de Bahia sans rien casser. Au ponton, Ian Lipinski rend hommage au chantier JPS et à ses préparateurs. L’autre scow Banque du Léman (Simon Koster et Valentin Gautier ) aura lui aussi montré de très belles qualités de vitesse mais de nombreux petits pépins techniques le cantonnent à la quatrième place.
La performance des leaders ne doit pas occulter quelques belles trajectoires. Crosscall Chamonix Mont Blanc termine cinquième malgré des problèmes de voiles à répétition. Made in Midi aura tenu le choc jusqu’au Pot au noir sur son vieux plan Humphreys mais n’a pu resister à Linkt (Jorg Richers-Cédric Château) sur le dernier bord vers Salvador de Bahia. Mathieu Claveau et Chirstophe Fialon (Prendre la mer, Agir pour la forêt) terminent 14ème mais premier bateau « Vintage »sur leur vieil Akilaria. Et Eärendil, malgré un arrêt à Madère termine dans le top ten ce qui conforte Catherine Pourre et Pieto Luciani à leur place de champion du monde des Class40 2019.