L'actualité de la course

Jolis mots du large

Jolis mots du large

Chaque jour, les marins de la Transat Jacques Vabre nous envoient leur message du bord, pour nous donner de leurs nouvelles... Et parfois - notamment quand le vent est aux abonnés absents - ce sont de véritables lettres, touchantes, amusantes. Deux exemples de ces dernières 24 heures.

 

Marie Tabarly, co-skipper de Kostum - Lantana Paysage :

"Tellement longtemps que je n'ai pas tapoté sur ce clavier étanche... Ecrire est un plaisir, mais il faut avouer que nous étions "un peu" débordés hier [dimanche]. Nous avons privilégié la course plutot que communiquer, et je crois que ca a payé : en tout cas, nous, nous sommes contents de notre trio. 

A l'heure où j'écris ces lignes, nous sommes toujours dans un vent pas très confortable, où nos pur-sang se dandinent, entre 7 et 11 noeuds, des fois plus, souvent moins. Le groupe se compose de Maître Coq, Apicil, MACSF, Nexans - Art & Fenêtre, Prysmian Group et Groupe Sétin. Sur chacun de ces bateaux, au moins un tour du mondiste à bord, et nous sommes contents de pouvoir enfin mesurer Kostum - Lantana Paysage à ses copains. Maintenant, on va tenter de ne pas les quitter !

Hier, enfin, c'était la délivrance. Après des années de rêve, des mois de préparation et 10 jours de village, nous avons le droit de reprendre nos vies de marins, et quitter la vie terrestre pour quelques semaines, le temps d'aller vivre une course mythique. 

Je ne sais pas pourquoi la Transat Jacques Vabre m'a toujours attirée, elle plus qu'aucune autre. Probablement car j'ai eu la chance de la rencontrer jeune et de pouvoir travailler comme stagiaire à tout faire lorsque Gérard Petipas l'organisait. J'ai vite compris que cet événement était une machine à fabriquer des histoires d'Hommes et de bateaux. Alors je me suis dit qu'un jour, je la vivrai de A à Z. 

Mais cette Transat ne se résume pas qu'aux coureurs. C'est une mécanique de précision, une organisation dingue tous les deux ans, ou des femmes et des hommes doivent relever pas mal de défis pour que les coureurs puissent partir sereinement, que les partenaires puissent tous s'exprimer et que le public puisse rêver. Un travail colossal, entre politique, financement, administration, organisation etc...

Il y a l'organisation, et il y a nos anges gardiens : les directeurs de course. Ce sont eux qui veillent sur nous, qui assurent notre sécurité, et qui se tapent des nuits d'angoisse si un pépin arrive. Ce sont les bibles de la course au large, au courant de toutes les histoires, au milieu de toutes les décisions. Qu'elles plaisent ou non, ce sont les chefs, et ils assument. Parfois ce sont des passionnés pouvant assumer de grosses responsabillités, et parfois ce sont d'anciens coureurs qui permettent à d'autre de partir. 

Alors hier, quand j'ai franchi la ligne de départ de mon rêve devenu réalité, j'ai pensé fort à tous ceux qui ont oeuvré pour que cette course existe toujours, de Gérard Petipas à Gildas Gautier (qui ont, à eux deux, organisé je crois plus d'une dizaine d'éditions) ainsi qu'au staff actuel, merci. Tellement de mercis. Mais hier, j'ai surtout beaucoup pensé à un super bonhomme, un directeur de course à qui j'avais promis qu'un jour, je ferai cette Jacques Vabre avec lui comme ange gardien : ça y est, c'est fait m'sieur Jean Maurel."

 

Erik Nigon, co-skipper de La Compagnie du Lit - Jiliti :

"Une nouvelle aventure commence… Tout doucement… Très très doucement… Genre 2 nœuds pour le moment et une pointe de Bretagne que l’on va pouvoir apprécier encore quelques heures avant la renverse du courant. Clém (et oui, je l’appelle déjà par son petit nom après seulement 24 heures de vie commune), nous a fait un départ canon, ce qui nous a mis direct dans la course. Et c’est sympa, on est toujours relativement groupés avec les copains de la classe Imoca dans la pétole. 

Cette mise en route « tranquille » m’a permis de mettre en œuvre ma stratégie pour voir quelle vie nous allons avoir les trois prochaines semaines. Ce n’est pas grand, un bateau et il n'y a qu’un lit, alors faut voir qui sera l’alpha (sinon l’omega). Et je sens bien que mon Clém commence aussi à envoyer des ballons d’essai pour me tester… Là, par exemple, il m’a demandé s’il pouvait mettre de la musique (difficile de dire non) et direct il envoie de la musique des Caraïbes et chante en créole alors qu’il sait que je suis rock ! 

A midi, il a tenté de me piquer ma fourchette !! Mais j’ai calmé le jeu, c’est pas encore le moment de jouer ses cartes. Mais bon, je le vois venir… Moi j’ai une stratégie beaucoup plus subtile. Par exemple, je suis sujet au mal de mer et prends des médocs 2 ou 3 jours au départ des courses et donc, je lui ai gentiment glissé que s’il ne voulait pas éponger ma salade de pâtes dans la soute avant, il ferait mieux de s’occuper du matossage des voiles (alors qu’avec le vent qu’on a, je serai capable de faire un puzzle le nez dans le moteur !).

Je simule aussi des crampes en fin de quart de bannette pour faire une bonne heure d’étirements et demain, je passe à la phase 2 en demandant un massage (ben oui, c’est un peu la thalasso ici, non ?). Les relations humaines ça me connaît, on va mettre tout ça bien en place pour profiter de la croisière. 

Faut dire que je me méfie un peu du gars… L’an dernier, je monte un petit MerBnB en faisant la promo de la première nuit gratuite sur le canote et il se pointe en disant qu’il vend des globes (oui bon ça va, faut bien commencer, je me chauffe pour les jours prochains) et paf, il me ramène mon bateau 100 jours plus tard comme une fleur, comme quoi il avait tourné pour trouver une place et finalement, revenir au point de départ (la loose !). 

Là, pour se faire pardonner il m’invite sur MON bateau, alors je me méfie un peu, vous comprenez… Bon, tout ça reste entre nous bien entendu (ce qui se passe à bord, reste à bord). Je vous dis vite la suite et qui fait la vaisselle, c’est lui qui fait le café mais faudrait pas que je rince les tasses en plus de le boire… Bon, je retourne dans les bouchons et envoie une pensée et plein de courage pour Louis et son équipe. Et prenez soin de vous comme Clém va prendre soin de moi. Bises de pas encore très loin."

Partager