L'actualité de la course
Message de la mer : Halvard Mabire Campagne de France (IMOCA)
Comme disait Eric Tabarly, grand philosophe breton, natif d'Angers (mais une légende de la voile ne peut être que bretonne et aussi cela permet d'employer le qualificatif de "menhir" pour désigner tous les solides et célèbres bretons) : "le portant c'est mieux que le près"! Comme quoi, pas besoin de faire des tonnes de périphrases pour asséner les vérités les plus évidentes.
Il y a effectivement plusieurs avantages au portant, c'est à dire aux allures de vents portants, ceux qui viennent du travers à l'arrière du bateau. Le navire ne souffre pas, ne lutte pas contre la mer mais glisse avec les vagues et globalement ça va plus vite, sauf dans le très petit temps.
Théoriquement aussi, on navigue plus à plat et on se fait moins secoué... quoique... jusqu'à une certaine limite, car sur nos machines modernes à assommer les maquereaux ça commence à déménager violent quand il y a de la mer agitée, car on rebondit de vagues en vagues.
Par contre, lorsque le vent forcit un peu au-delà du raisonnable, et le raisonnable est une limite différente pour chaque individu selon son niveau d'inconscience, cela peut devenir assez stressant, surtout avec un pilote qui a picolé et qui conduit le camion avec 4.5 grs, au bas mot. En effet, on sait parfaitement que la sortie de route ne sera pas anodine et risque très probablement de se solder par de la casse. Par contre, sur un monocoque nous n'avons au moins pas le stress du chavirage, c'est déjà ça.
Nous ne pouvons pas pousser Campagne de France comme nous aimerions à cause de nos problèmes de chauffeur et socialement ce n'est pas bien vu de remplacer le chauffeur et ce n'est vraiment pas le moment que celui-ci se mette en grève. Donc il ne vaut mieux pas le vexer en lui montrant comment il faut faire. En plus il a un avantage sur nous, c'est qu'il ne se fatigue pas et se contente d'une alimentation de quelques watts, alors que nous, nous avons les exigences du travailleur occidental repu.
Nous avons fait une pointe à 21.8 nœuds, grâce à un bon coup de pied au cul d'une vague il faut reconnaître. Pour le plaisancier moyen c'est honorable, mais c'est dérisoire lorsque l'on songe que l'on a du mal à faire en pointe ce que les IMOCA modernes font couramment en vitesse moyenne. Ce qui suppose que ceux-ci sont capables de vitesses de pointes où il ne vaut mieux pas sortir la tête dehors, sous peine de prendre le risque d'avoir les paupières retournées par la vitesse. D'ailleurs c'est bien pour cela que les cockpits sont de plus en plus fermés, voir même disparaissent pour faire place à la conduite intérieure, comme sur Hugo Boss.
A propos d'Hugo Boss d'ailleurs, c'est une nouveauté architecturale retentissante et qui mérite d'être signalée. En effet, c'est le tout premier dériveur de l'histoire sans cockpit ouvert! Une vraie nouveauté.
Toujours à propos d'Hugo Boss, si tout le monde s'étonnait de l'absence de cockpit sur la nouvelle machine d'Alex Thomson, c'est qu'il manque vraiment à certains commentateurs, un tantinet ignare, un minimum de connaissance de l'histoire et de la culture de la course au Large. En effet, comment ne pas se remémorer le "Jester" de Blondie Hasler, qu'il avait conçu et engagé dans la première course transatlantique en solitaire de l'histoire en 1960, dont il était d'ailleurs aussi l'instigateur.
On peut aussi penser au petit prao Cheers, skippé par Tom Follet et dessiné par le génial Dick Newick, et qui a fini à une surprenante 3ème place dans une autre édition de cette Transat.
Et il y a bien d'autres exemples de voiliers comme cela, dont la liste est définitivement trop longue pour tenir sur un simple petit billet du large. Finalement c'est un bel hommage qu'Alex rend à ces précurseurs, dont la plupart naviguait avant que son père ne sache que sa mère existait.
Comme quoi c'est difficile de vraiment inventer quelque chose. Mais il faut reconnaître aussi qu'il est tout aussi difficile de mettre en œuvre des idées anciennes, mais que la technologie d'alors ne permettait pas d'exploiter à fond.