L'actualité de la course

Message de la mer : Moragne Ursault-Poupon - UpSaling (Class40)

Message de la mer : Moragne Ursault-Poupon - UpSaling (Class40)

Nous avons vécu une nuit Rock and Roll. Portés par une vague supersonic, nous avons dévalés les pentes salées de l'archipel du Cap Vert.

Archipel ayant pour moi un côté mystique. Le "Mana", le bon esprit, nous a propulsé et j'ose croire qu'il nous suit encore, pour cette deuxième partie de course qui ne fait que commencer!

Je suis venue ici la première fois y a 10 ans, avec mon père sur le Grand Fleur Australe. Ceux qui me connaissent saurons ce qui était si spécial pour moi en avril 2009, alors que je quittais ces îles pour traverser l'Atlantique pour la première fois...

De retour vers ce petit pays qu'on aime beaucoup, pays de la Diva Cesaria Evora, l'émotion en moi était intense, revoir ces iles désolées, perdues au milieu de nulle part, sentir pour la première fois depuis notre départ, le végetal, peut-être même l'animal, ces odeurs de la terre qui ne sont perceptibles qu'après plusieurs jours passés en mer. C'était puissant. En fin de journée est apparue, sortant des nuages épais, une pointe, un cap noir imposant, austère et beau. C'était la grande ile de Santo Antao. Au portant à 150 degrès du vent, j'ai pris la barre pour m'assurer que notre cap serait parfait et palier aux quelques oscillations du pilote qui d'habitude barre mieux que nous , car lui ne fatigue pas, ne se déconcentre pas. Je ne l'ai pas lâchée durant 6 heures. D'abord le jeu était d'abattre au maximun et viser le milieu du canal entre les iles De Sao Vicente et Santa Luzia. Nous savions que ce passage étroit où remontent les fonds de 600 à 20 mètres, allait être périlleux. Mais il était pour nous la route la plus courte, il fallait y aller. C'est là que née la folie de la course et de ses marins. Et bien je peux vous dire que nous n'avons pas été déçus. Particulièrement entre 20H30 et 21H30 TU, l'ambiance à bord était folle. Nous étions dans une vraie marmitte, les vagues autour de nous étaient énormes, le bateau se cabrait, l'eau jaillissait sous l'étrave, la nuit était noir, les îles à peine éclairées par une lune timide derrière son voile nuageux. Nous étions sous grand spi avec des rafales à 25 nœuds (alors que normalement nous affalons ce spi à 23 noeuds), nous avons fait des surfs à plus de 16 noeuds. A la barre, j'étais complêtement courbaturée, tendue, le regard fixé sur les instruments et le spi (mais il faut le dire confortablement installée et en sécurité derrière la nouvelle casquette fabriquée par Rémi, avec ses petites mains et son art du bricolage - trop fort ce Rémi). Bref, j'étais hyper concentrée pour être sûre que ce dernier ne fasaille pas. C'est seulement à quelques reprises que j'ai regardé autour de moi pour visualiser la scène, c'était assez iréel. Nous vivions la course Aventure dans toute sa splendeur. Ce sont ces moments là, où bousté par l'adrénaline, tu ne sens même plus la fatigue, le corps et l'esprit se mettent en mode survie et on ne pense à rien d'autre que de sauver sa peau et le bateau.

Je vibre pour ces moments là. Malgré un certain stress, nous avions le sentiment de maitriser la situation, "sentiment" car on ne la maîtrise jamais à 100%, c'est la nature qui maîtrise tout. Ce moment fera parti des moments forts, comme lors de la première nuit où nous surfions au nord de la Bretagne sous spi avec des rafales à 35 noeuds, même si cette fois nous a été moins glorieuse car nous avons explosé notre spi médium et ça nous le payons aujourd'hui ... Sans prise de risque la course n'a pas la même saveur.

Depuis cette folle nuit, un vent soutenu de 23 noeuds nous accompagne et nous "bouffons des milles", nous avons gagné une place. Aussi difficilement acquise, cette place ramène le soleil à bord. Il nous reste 1800 Milles avant d'arriver à Salvador, autant d'opportunités pour continuer à se donner au maximum et combattre face à l'adversité !

L'espoir fait vivre et ce qui compte le plus c'est de ne pas oublier de profiter de l'instant lors de ces moments magiques que nous vivons à bord de ces bêtes de course, poussés "pleine balle" sur cette mer que l'on aime tant. Tous les jours je me dis que je suis privilégiée de pouvoir vivre mon rêve. J'aime prendre du recule et regarder où j'en suis aujourd'hui alors qu'il y a seulement deux ans j'osais me lancer dans la course au large, avec comme baptême du feu, la Route du Rhum!

Cette grande décision à changé ma vie et d'autres projets fous sont en cours. On a qu'une vie, la mienne sera folle !!!

J'en profite pour remercier tous mes proches et mes partenaires qui nous suivent dans ces aventures et qui nous font confiance, car même si le classement peut-être parfois décevant , nous vivons les choses à fond et continuons à apprendre tous les jours sur cet art complexe et passionnant qu'est la navigation.

Vive la vie !

 

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