L'actualité de la course

Message de la mer :  Halvard Mabire - Campagne de France (IMOCA)

Message de la mer : Halvard Mabire - Campagne de France (IMOCA)

Nous approchons de l'archipel du Cap Vert que nous avons décidé de contourner par l'Ouest. Le vent est très instable en force comme en direction, ce qui nous oblige à une adaptation constante de notre cap et de nos réglages. Ce serait bien utile dans ces conditions d'avoir un pilote qui fonctionne correctement en mode vent pour pouvoir suivre plus aisément tous les changements de direction et garder une vitesse plus constante et surtout plus décente. Mais le mode vent ne fonctionne correctement que par mer plate et vent constant... pratique. Pas besoin de développer des algorithmes savants pour en arriver là, même moi je saurais faire. C'est dire. Mais nous n'allons pas nous éterniser sur des histoires de pilote, chacun ses petites misères.

Misères bien plus importantes pour les nombreux poissons volants qui atterrissent malheureusement sur notre pont. Ils doivent maudire l'idiot qui a peint l'antidérapant sur le pont, mais celui-ci est quand même plus fait pour éviter que l'on se ramasse la tronche que pour aménager une piste de "Holiday on Ice" pour maquereaux volants. Je ne m'étendrai pas plus sur les maquereaux qui volent, car d'une part tout le monde doit y aller de son petit commentaire, et d'autre part j'ai déjà eu largement l'occasion d'en parler lors de courses précédentes. Si vous voulez en savoir plus, relisez vos archives. Le seul commentaire à éventuellement faire, c'est d'observer combien de temps mettra le darwinisme pour que les poissons volants évitent d'atterrir sur les ponts des bateaux. En effet, l'ironie de l'évolution est que ces poissons ont été dotés d'ailes pour échapper à leurs prédateurs, mais que c'est justement à cause de cet "avantage", qu'ils se retrouvent maintenant sur les ponts des bateaux. Je crains qu'il ne faille encore pas mal de décennies et pas mal de transats, pour que l'évolution opère son miracle et ou bien dote les poissons de radars à bateaux, ou alors leur permette de voler carrément plus haut pour passer au-dessus des bateaux, mais à ce moment-là ce seront des oiseaux.

L'approche de l'archipel est plutôt « musclée ». La mer est désordonnée et il y a des rafales à plus de 30 nœuds, suivies de coup de mou à moins de 20 nœuds. Donc on avance un peu par sauts. Jamais content. Soit trop de vent, soit pas assez. C'est un peu comme les fringues à l'armée ou dans les familles nombreuses, il n'y a que deux tailles : trop grand ou trop petit. Tout du moins c'était comme ça "dans le temps". Nous avons de la chance, nous allons arriver à la première île au lever du jour. C'est l’île Santo Antao, la plus au nord-ouest de l'Archipel, que nous espérons voir. Pas trop longtemps quand même, car il y a toujours une crainte du dévent sous le vent de l’île et il ne s’agirait pas de rester bivouaquer dans le coin, surtout que l'on n'est déjà pas trop en avance. Malgré de nombreuse transats, je ne me suis jamais arrêté aux îles du Cap Vert. Il n'y a qu'une fois où avec Orange 2, lors d'une tentative avortée de Trophée Jules Vernes nous nous étions arrêtés juste sous le vent d'une île et étions restés à la cape sous une falaise pour inspecter le sail drive (transmission entre le moteur et l'hélice et support de l'hélice sous la coque) qui vibrait terriblement. Le diagnostic avait d'ailleurs été sans appel : impossible de faire le tour dans ces conditions et ça s'est soldé par un retour à la case départ... et retour vers le froid par la même occasion.

En tous cas, si je ne veux pas mourir idiot, il faudra que je revienne un jour, en bateau forcément, pour découvrir cet archipel que j'ai pourtant côtoyé un nombre incalculable de fois lors de diverses transats ou descentes de l'Atlantique dans les courses autour du monde. Comme quoi, la course c'est parfois un peu con comme truc.

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