L'actualité de la course
Message de la mer : Miranda Merron et Halvard Mabire Campagne de France (IMOCA)
Bonjour
Inéxorablement, nous nous approchons du monstre : le Pot-au-noir !
Même si nous sommes un peu à la traîne, mais nous en profitons et pour l'instant nous vivons vraiment une belle transat, cela ne nous empêche pas de regarder un peu ce qui se passe devant, ne serait-ce que parce que le feuilleton du Pot-au-noir est passionnant et plein de rebondissements. Forcément, il y en a qui se demandent ce qu'ils ont fait de mal, et d'autres qui ne comprennent pas ce qu'ils ont fait de bien.
Ce n'est pas sans une certaine tristesse que nous assistons à l'engluement de Charal et franchement nous compatissons pour eux, car après la superbe course qu'ont fait Jeremy et Christopher, ils ne méritaient pas ça.
Remarque, ce n'est pas pour rien que ça s'appelle le Pot-au-noir. Peut-être que si cet endroit maudit des marins s'était appelé le Pot-au-jaune, il en fut autrement, comme quoi tout compte dans la déco d'un bateau. C'est comme ça, il ne faut jamais décevoir les enfants en se privant d'explications simples. Espérons que ce ne sera pas le Pot-au-vert en tous cas.
Franchement, le trou de souris où passer n'est pas simple à trouver. Nous avons beau avoir pas mal d'informations, toutes aussi scientifiques les unes que les autres, donc très aléatoires lorsqu'il s'agit des forces colossales et insondables de la Nature, qu'il faudra bien une part de chance pour se faufiler au travers de ce qui aurait du s'appeler le Pot-de-pus et enfin retrouver un régime de vent plus ou moins stable dans les Alizés de Sud-Est, qui devraient ensuite nous pousser, théoriquement, jusqu'à Salvador.
Sur les nombreux passages de Pot-au-noir que j'ai vécus, pas un ne ressemble aux autres. Donc je dois être très mauvais élève, car je n'en ai tiré aucune leçon. Mon expérience peut se résumer, à peu de chose près, à dire que soit ç'est une sacrée merdasse, ou bien, si les Dieux sont avec nous, juste comme un passage façon "comme une lettre à la Poste", celle du bon vieux temps, quand le courrier ne se perdait pas au milieu des publicités. Le Pot-au-noir, c'est comme beaucoup de choses dans la Vie, le plus important est d'être au bon endroit au bon moement, et ça c'est comme son lieu de naissance, on ne choisit pas vraiment.
Etant donné le faible enjeu du résultat pour nous (mais quand même...) nous abordons donc ce fameux Pot-au-noir avec plus de curiosité que d'appréhension. Normalement nous devrions être relativement tranquilles dans notre coin, et nous ne devrions donc au moins pas souffrir de l'affre du bateau qui est juste à une minuscule poignée de milles de nous, voir moins, et que nous voyons au radar et à l'AIS, et qui soudain, sans explication aucune, décolle inexorablement lorsque nous restons encore collés comme un tacot dans la vase. C'est un sentiment de frustration auquel aucun être humain normalement constitué ne peut se faire. Lorsque la situation est inverse, on ne jubile même pas, car justement nous savons ce que nos infortunés camarades ressentent, et il n'est jamais bon de se réjouir du malheur des autres, car s'il y a une morale en ce bas monde on finit toujours par payer ces courts moments de jouissance malsaine.
Donc advienne que pourra. Mais lorsque nous allons traverser cette zone complexe, il faudra bien avoir en mémoire le calvaire que cela devait être sur les équipages des anciens Grands Voiliers, aux manoeuvres complexes et exigeantes. Heureusement sur nos bateaux modernes, nous sommes plus véloces et plus réactifs, et même si un Imoca est autrement plus lourd à la manœuvre qu'un Class40, cela reste néanmoins de la gnognotte par rapport aux 3 ou 4 mâts à phares carrés. Donc respect à tous les anciens et c'est par leurs témoignages et leurs récits que cet endroit a acquis son nom et sa si sinistre réputation.
La suite au prochain épisode.