L'actualité de la course

Météo : Dorsale, mode d’emploi.

Météo : Dorsale, mode d’emploi.

Alors que les IMOCA de l’ouest naviguent toujours penchés  au près sous l’influence du système dépressionnaire des Açores, les leaders du Sud abordent dans la douceur la zone de hautes pressions qu’il faut traverser pour prendre son ticket pour l’alizé. Toute la question est de savoir si les trois Multi 50 et les onze premiers IMOCA vont  être un peu ou franchement ralentis par cette  dorsale. Pour l’instant, les choses ont l’air de bien se passer pour le leader. Mais entre les fichiers et la réalité,  la sortie du tunnel est parfois plus longue qu’escomptée.

« On a bien soigné le point d’entrée avec Erwan Tabarly notre routeur et maintenant, c’est à nous de jouer avec les risées et faire marcher le bateau le plus vite possible » expliquait à 5 heures ce matin Thibaut Vauchel-Camus. Son trimaran bleu était le premier à loffer dans le vent adonnant de la dorsale. Il prévoyait d’empanner dans une paire d’heures pour redescendre de l’autre côté du phénomène en dessinant ce que coureurs et météorologues appellent une aile de mouette.

Dorsale, aile de mouette, késako ?

Une dorsale est l’excroissance d’un système de hautes pressions (un anticyclone). Elle est délimitée par un axe. Le vent tourne en sens inverse de chaque côté de cette frontière où il peut régner des calmes plats. 

Comme dans l’hémisphère nord, le vent tourne autour des aiguilles d’une montre dans les anticylones, les concurrents s’engagent d’abord vent de travers. Puis au fur et à mesure qu’ils avancent, le vent adonne. Ils loffent pour conserver de la vitesse, c’est la première partie de l’aile de mouette avec une route qui s’incurve vers l’ouest. Une fois l’axe franchi, le vent passe du nord-ouest au nord-est,  il est alors temps d’empanner. Sur l’autre bord, dans du vent faible, le bateau est là aussi obligé de loffer pour maintenir sa vitesse et voilà que se dessine la deuxième partie de l’aile de mouette. 

De la théorie à la pratique

Plutôt simple dans les livres ou derrière son ordinateur, le phénomène  peut vite se compliquer in situ : « Les fichiers, ce n’est pas la vraie vie confirmait ce matin Charlie Dalin et on risque de passer en plusieurs empannages. Je préfère m’attendre au pire… ». L’axe n’est pas tracé dans l’atmosphère et sentir à quel moment on bascule vraiment d’un côté à l’autre n’est pas toujours simple. La surveillance du ciel mais surtout du baromètre électronique sont d’un précieux secours. Le feeling aussi qui impose d’être à la fois sur les réglages et souvent à la barre pour sentir le bateau. A la manoeuvre également quand il faut jongler entre toutes les voiles de portant, code zéro, gennakers voire spi, sans parler du matossage qui fait aussi partie de la donne lorsqu’on veut tirer le meilleur de son bateau. Bref, les heures qui s’annoncent pour les IMOCA ne sont pas vraiment reposantes même si la traversée du système de jour est plus simple. 

En Multi 50, c’est plutôt plus confortable, d’abord parce que le plan de voilure comporte moins de voiles entre lesquelles jongler et qu’une fois tous les poids placés sur l’avant, il n’y a pas vraiment de matossage aux changements d’amure.

A 8 h 30, comme annoncé, Solidaires empannait, bâbord amures désormais, cap vers Casablanca. Avec seulement 9 noeuds de vitesse, le Multi50 a certes ralenti mais va accélérer dans les prochaines heures, tout en remettant progressivement du sud dans sa route. L’alizé lui tend les bras dans une centaine de milles. Premier à ralentir, Solidaires en Peloton ARSEP voit revenir dans le rétroviseur ses deux poursuivants mais il sera aussi le premier à redémarrer. Comme le rappelait Charlie Dalin ce matin : « L’ordre d’entrée dans une dorsale compte moins que celui en sortie. C’est là que se font les gains » Ce sera d’autant plus vrai ici que l’alizé qui attend les concurrents sous la latitude de Madère a l’air bien nerveux, 20 noeuds sur les fichiers, sans doute plus dans la réalité.

La promesse de l’alizé

Pour tous les tandems concernés par le phénomène dans les prochaines 24 heures, le point d’empannage à la côte marocaine devra être soigneusement choisi. C’est en effet lui qui  conditionne la route par rapport à l’archipel des Canaries qui présente de hauts reliefs très perturbateurs sur plus de 50 milles sous leur vent… Certains préfèreront aussi ne pas aller trop loin au sud-est pour éviter de tangenter de nuit la côte marocaine qui fourmille de barques de pêche non éclairées…

Même ralentis pendant une douzaine d'heures, les IMOCA du Sud continueront d'afficher des progressions plus importantes sur la route de Bahia que leurs concurrents de l'ouest qui n'en finissent pas de manger leur pain noir bâbord amures, avec 5 noeuds de moyenne de rapprochement sur la route seulement. Autant dire qu'il va vraiment falloir que ces derniers soient très véloces une fois qu'ils auront pu virer de bord pour espérer combler leur retard... Même si avec seulement un quart de la route entre le Havre et Salvador de Bahia couverts ce matin, beaucoup de choses peuvent encore se passer.

 

Partager