L'actualité de la course
Duos en symbiose
Départ musclé et humide, quatre jours de près sur une piste bosselée, mauvais choix de route, perte de voiles et avaries en tous genre, manque de sommeil, le début de course de la 14e Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre a tout pour créer une ambiance morose au sein des équipages. Vue de la terre, on se dit qu’il y a de quoi être grognon, voire se faire la gueule. « Il faut soit se débrouiller tout seul soit supporter H24 son co-équipier, ses odeurs et ses humeurs. Franchement, il y a de quoi se poser la question « Qu’est-ce qu’on fait là ? ». Mais en fait en mer, on trouve quelque chose de difficile à percevoir à terre. C'est un peu comme un retour aux sources, un rapport originel avec la vie, on peut même en course prendre le temps de se poser. » nous écrivait ce matin la sage Morgane Ursault-Poupon sur son Class40 Up Sailing, Unis pour la planète. En mer, il y aurait donc une autre façon de voir la vie et de considérer l’autre.
Ils se sont choisi pour le meilleur… et pour le pire
Les discussions au Havre avec une grande partie des duos permettent de comprendre comme les associations se sont faites. Certains ont choisi un pote de 20 ans compétent (Fred Duthil pour Thibaut Vauchel-Camus, Davy Beaudart pour Louis Burton ou encore Christopher Pratt pour Jérémie Beyou), d’autres se sont tournés vers la complémentarité. Il y a le cas de Clarisse Cremer qui apprend de l’excellent Armel Le Cléac’h : « On apprend à se découvrir avec Armel » nous confiait-elle ce midi en vacation. « C’est plutôt lui qui regarde les routages en premier. Ensuite, je regarde et on en discute. C’est cool car il sait comment procéder. Je le vois faire et je m’inspire ». Fabrice Amedeo sur son plan Verdier à foils a lui aussi fait le choix de prendre un bon en stratégie en la personne d’Eric Péron, tout comme Giancarlo Pedote qui fait confiance à Anthony Marchand à la table à cartes.
La bonne entente qui peut presque devenir fusionnelle en mer est aussi importante qu’un bon bateau. Et plus le binôme fonctionne bien plus la stratégie est fluide, plus ils ont heureux de naviguer, plus ils font un bon résultat ! Et quand bien même, ceux qui sont partis dans l’ouest pourraient prendre un coup au moral, ce n’est pas du tout le cas : « Avec mon ami Bilou, on a un peu d’expérience et l’habitude d’encaisser les mauvais coups. On pourrait avoir des conditions plus agréables mais bon, c’est comme ça. On va quand même vers le Brésil et il y aura des jours meilleurs. » confiait hier Yannick Bestaven sur l’Imoca Maître CoQ.
Se croiser au café ou au repas
Une course engagée physiquement et intellectuellement impose un rythme très soutenu. Le binôme fonctionne à plein comme deux solitaires finalement. Mais le partage reste essentiel : « On prend du temps tous les deux avec Antoine (Koch). C’est le but de notre association, on alterne les quarts cockpit-bannette et on se fait les repas ensemble dès que possible, cela permet d’échanger sur la météo » racontait ce midi Thomas Ruyant sur son Imoca Advens for Cybersecurity. Tout dépend aussi des conditions de navigation. Sur un même bord, sans manœuvres, il y a le temps de se poser ensemble autour d’un café. « Avec Seb, ça se passe super bien, un vrai p’tit couple ! On se relaie pas mal et on a partagé notre premier repas ensemble seulement hier soir. On regarde ensemble la stratégie météo mais on maintient un rythme assez élevé, donc on n’a pas tant de moments que ça ensemble. » soulignait Alan Roura (Imoca La Fabrique) à la vacation de la mi-journée. Louis Duc semble un homme heureux sur son Class40 Crosscall Chamonix-Mont-Blanc : « A bord, ça se passe nickel depuis le début avec Aurélien, on bosse comme deux solitaires, chacun est présent sur tous les dossiers, on se relaie toutes les trois heures. » D’aucuns papotent beaucoup dans le cockpit et pas seulement de régate, de réglages et de classement : « On est heureux en mer avec Eric, on s’amuse bien, on parle régate mais aussi de la vie. C’est ça qui rend une transat en course sympa loin des sollicitations de la terre. »