L'actualité de la course
Gilles Lamiré et Antoine Carpentier, le grand débriefing
Comment ils se sont choisis…
Gilles : Je pensais à Antoine depuis longtemps. On se côtoyait sur toutes les courses. Un jour dans un bar de La Trinité-sur-mer au mois de mai, il discutait avec un copain et j’entends que son plan Jacques Vabre est tombé à l’eau C’est resté dans un coin de ma tête. Antoine est un grand coureur au large mais aussi un fin régatier. Il ne sait même plus combien de fois il a gagné le Fastnet ! Il m’apporte cette plus-value. On a pas énormément navigué ensemble au large mais on a compris tout de suite que ça matchait entre nous.
Antoine : Par le passé, je n’étais pas trop chaud pour ces grandes courses au large en multicoque car c’est quand même un jeu d’équilibriste dans la durée… Je ne connaissais pas Gilles et ne voulais pas m‘engager sans avoir navigué avec lui à bord. Après avoir couru le Grand Prix de Saint-Quay Portrieux, j’ai vu ses réflexes et compris que son expérience du multicoque m’offrait les bonnes garanties. Gilles dit qu’il fait preuve d’une certaine insouciance dans la gestion de son projet mais en navigation, c’est autre chose.
Le fonctionnement du binôme…
Gilles : Quand j’ai demandé à Antoine de me rejoindre, c’est bien sûr pour ses qualités de marin mais aussi pour ses qualités humaines et il ne faut pas perdre ça de vue. Dans notre binôme, chacun prend soin de l’autre. La Route du Café, c’est ça. Il faut s’occuper de l’autre, pour la sécurité mais aussi la performance. Chacun était sur la même longueur d’onde.
Le début de course en retrait, derrière Solidaires en Peloton ARSEP
Gilles : Dans toutes les courses que je fais, j’ai un laps de temps pour me mettre dans le rythme. C’est personnel. Je me remets toujours en cause. J’ai besoin de prendre confiance. Je suis un marin prudent et au début, je réduis plus tôt que les autres et renvoie plus tard. Le match avec Primonial nous a fait beaucoup de bien. On était bord à bord tout le temps. Ce n’était pas du marquage, mais on a passé notre temps à se croiser jusqu’au Cap Vert.
Antoine : Nous sommes partis fatigués du Havre après une semaine très dense en rendez-vous média et partenaires. C’est tout de suite un désavantage pour attaquer. On n’avait peu navigué dans le vent fort sur le bateau et c’était difficile de savoir où placer le curseur pour aller vite mais préserver le matériel.
Le moment clef de la course …
Antoine : C’est clairement le passage de la dorsale. On s’est longtemps posé la question de savoir pourquoi Solidaires partait à l’est. Les fichiers donnaient plus de vent. Ils ont sans doute privilégié sa force plutôt que son angle. Nous avions un peu de retard un peu de retard sur ce phénomène météo et c’était clair qu’il fallait faire du tribord le plus vite possible pour longer l’anticyclone par le sud pour avoir un bon angle quand le vent tournerait. On a aussi pensé qu’ils avaient des problèmes techniques. On s’attendait à les voir s’arrêter aux Canaries. Une fois qu’ils se sont décalés, l’analyse de l’écart de performances n’était pas non plus très simple à faire car nous n’avions plus les mêmes conditions.
Gilles : Avant même de passer le Pot-au-noir, j’ai commencé à y croire. On avait 100 mille d’avance, Christian avait l’air sur de son point d’entrée et puis, j’ai une bonne étoile !
Le routage de Christian Dumard
Gilles : Christian nous donnait une vision à plusieurs jours. Il prépare son approche très en amont et je crois qu’il a été content de nous car on a été exactement au rendez-vous de chaque way-point. Il nous a fait passer au milieu du Cap Vert, c’était magique. Dans le Pot-au-noir, c’est pareil, il a été très directif et ça s’est passé merveilleusement. Depuis hier déjà, je regarde sur l’ordinateur notre trace, c’est parfait. Tout s’est passé comme dans un livre. Un beau livre d’aventures bien illustré avec beaucoup d’images que l’on gardera en mémoire.
A propos de leur trimaran, le plus titré de l’histoire es Multi50
Antoine : Groupe GCA Mille et un sourires n’est pas un bateau récent. J’avais fait des Grand prix à bord avec Erwan Le Roux, et Québec - Saint Malo mais c’était avant l’adjonction des foils. Aujourd’hui, on peut porter plus de toile plus longtemps. Les vitesses n’ont rien à voir. Avant, on butait dans 30 nœuds, aujourd’hui les 35 sont fréquents. Il a donc fallu que je ré-apprenne un peu le bateau et j’avais prévenu Christian qu’il nous faudrait un petit temps d’adaptation avant de monter en puissance et c’est ce qui s’est passé. Plus ça allait, plus on avait de facilité à atteindre les polaires
Gilles : J’ai un défaut, c’est que j’amène beaucoup de matériel sur mes bateaux pour réparer, comme si je faisais le tour du monde ! Bref, je suis assez mal vu par les régatiers qui coupent les poils des brosses à dents. Eux, c’est « service bagagerie minimum ». Cette fois, on a tout étalé dans une salle que la mairie de Cancale nous a prêté et ne pouvais rien cacher à Antoine ! En fait, on n’a rien cassé, j’ai même pas fait de strat’, c’est nul !
Le sens de cette victoire :
Gilles : « Je ne me suis jamais raconté d’histoire. Je n’ai pas le passé ni le parcours de régatier d’un Antoine. Souvent on me regardait comme un amateur et ça me peinait beaucoup car je voyais que mes projets montaient en puissance, que je m’entourais de gens de plus en plus solides et que je progressais à leurs côtés. La victoire dans la Transat Anglaise a été incroyable et forcément, elle m’a donné le goût de gagner. Et maintenant, quand je prends le départ d’une course, j’y vais pour ça. Je vous avais dit il y a deux ans que je reviendrai pour du résultat. Et bien le résultat, c’est aujourd’hui. Ce n’est pas une question de revanche. Je fais de la course au large pour la mer et l’aventure mais c’est aussi un sport et le résultat compte. Pour les partenaires, c’est aussi formidable car on offre la victoire à des gens qui vous ont fait confiance.
Antoine : A chaque fois sur la Route du Café, j’ai été intégré dans de bons projets avec de bons bateaux et de bonnes personnes. Ce serait bien que ça devienne une habitude ! Je cherche aussi des partenaires pour bâtir mes projets personnels. J’ai fait la Route du Rhum l’an dernier, un peu à l’arrache et je cherche un budget pour la courir à nouveau en Class40 avec la ferme intention de la gagner.