L'actualité de la course

Le corps en mer, la tête dans les étoiles

Le corps en mer, la tête dans les étoiles

Juge de paix de cette 13ème Transat Jacques Vabre, le Pot au noir a étiré la flotte et créé d’importants écarts. Le long de la côte brésilienne, la pression retombe doucement. Pour beaucoup, les positions deviennent acquises. Dans les cockpits, les marins arrêtent de se croiser et peuvent commencer à échanger. Encore en course mais sur un autre mode. A l’approche de Bahia, le stress retombe, la pensée vagabonde et les langues se délient.

« C’est particulier ce moment, on est en course et on prend aussi le temps de penser et de réfléchir, on est sur un mode différent. On est dans un sas de ré-humanisation » disait Morgan Lagravière à la vacation d’hier.  Des Voiles et Vous ! avançait à bonne vitesse le long de la côte mais sans autre pression que de ne pas gâcher la fin de course par une avarie ou un abordage. SMA intouchable devant, Malizia II loin derrière, pour Morgan et Eric, l’adrénaline de la course retombait gentiment avant même l’arrivée. Même son de cloche chez Gwénolé Gahinet hier soir : « Toute la course, on s’est beaucoup croisé avec Paul, c’était intense tout le temps. Là, cette arrivée dans la nuit, c’est fort. Le passage devant les grands immeubles éclairés de Bahia, ça me rappelle tellement de souvenirs. Du coup, on a pris le temps de partager ça avec Paul, moi lui parler de ma Mini par laquelle j’ai débarqué là il y a 6 ans, lui de ses différentes arrivées, de jour ou de nuit » Quelques heures plus tôt, son coéquipier Paul Meilhat ne disait pas autre chose à la vacation: « C’est notre dernière nuit en mer, nous ne sommes pas très fatigués. Les derniers quarts, c’est vraiment joli, on profite des lumières, des étoiles.  On échange beaucoup sur cette dernière journée, on essaye de profiter d’être en mer. »

Introspection

Les derniers milles de course sont aussi l’occasion de s’interroger. Quel sens ont finalement tous ces efforts pour aller du Havre au Brésil en course ? A quel monde appartient-on ? Quelle place dans l’univers maritime ? « Cette nuit, on se demandait ce que pouvaient bien penser les pêcheurs en nous voyant passer disait Thomas Coville à son arrivée lundi dernier. Ca doit être une sensation effrayante notre trimaran dans la nuit noire, avec ses voiles noires qui dégagent un souffle à 30 nœuds ». Et Jean Luc Nélias d’ajouter : « Avant-hier, on était au Pot au noir et cette nuit on croisait des pêcheurs brésiliens. Ils ne pouvaient pas imaginer que 48 heures avant, nous étions au Cap Vert où on parle la même langue ! Quand nous sommes partis du Havre, c’était la pleine lune, chaque jour elle se décalait dans le ciel, elle n’était pas au même endroit. On navigue à une échelle planétaire »

Le long des côtes brésiliennes, la procession des Imoca continue. Certains imaginent Salvador, d’autres rassemblent leurs souvenirs de Bahia. Le mot de la fin à Jean-Pierre Dick, compétiteur s’il en est, mais pas insensible aux effluves brésiliennes : « Je repasse un certain nombre de choses dans ma tête avec beaucoup d’émotions. L’arrivée à Bahia, c’est ma première victoire, ma première affirmation… »

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