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Sébastien Rogues, Primonial (Multi50) :

Sébastien Rogues, Primonial (Multi50) : "L'anticipation sera le maître-mot à bord"

Comment s’est formé le binôme Sébastien Rogues / Matthieu Souben ?

"Je ne suis pas ingénieur, je suis autodidacte mais je suis passionné par la technique et en particulier sur ce projet en Multi50. Je n’ai pas d’expérience au large et en multicoque. On est sur des projets humains, une Transat Jacques Vabre se court en double et l’humain est pour moi prioritaire pour performer.
En premier, il faut que je sois convaincu de bien m’entendre avec mon co-équipier, à fortiori dans un multicoque exigu. On sait qu’on va être amené à vivre des choses compliquées avec la fatigue qui va s’accumuler. Si ça nous fait péter un câble parce que l’autre a laissé sa chaussette dans la cuisine, ce n’est pas jouable, d’autant que la cuisine, c’est là on dort et c’est aussi la table à cartes ! On doit s’accepter l’un et l’autre dans des conditions extrêmes.
Je connais Matthieu depuis longtemps, on a fait beaucoup de régates en Mini 6,50, on se connaît dans la proximité. C’était une évidence de partir avec lui.

D’autant que son expérience du multicoque est intéressante…

"Oui ! J’apprends le off-shore en multicoque et il m’apporte beaucoup. Matthieu est un pur produit du multicoque français : préparation olympique en Tornado, championnat du monde de Formule 18, Transat Jacques Vabre en Multi 50 avec Lionel Lemonchois… Il coche toute les cases et en plus il est ingénieur et designer de voiles chez All Purpose. Il dessine mes voiles depuis toujours, en GC 32, en Mini, en Class 40. Il connaît ma façon de naviguer. On n’a plus besoin de se parler. On se complète beaucoup. Il a une structure mentale d’ingénieur, moi je suis plus marketing, un peu fou, j’ai plein d’idées, je me structure avec des gens autour du moi qui rationnalisent mes idées. C’est un duo qui marche bien. Il m’a mis en confiance dans le bateau.

Comment ressens-tu le Multi50, qui est un nouveau support pour toi ?

"Les Multi 50 sont des bateaux super exigeants. Tu n’as pas le droit d’être en retard. Interdiction. Tu peux te retrouver dans une situation critique où tu ne peux plus abattre. Le maître-mot de notre transat, c’est l’anticipation. Il va falloir anticiper bien sûr pour les manœuvres, mais aussi dans le rythme à tenir. Parfois, on est à 110 ou 120% des polaires, et ça se discute en amont. Si notre routeur (Julien Villon, ndlr) nous dit « il va y avoir un créneau, il faut être à cet endroit dans 6 heures. », il faudra se reposer avant, se préparer à débouler à 30 nœuds pendant 6 heures.

Le truc nouveau pour moi, c’est l’anticipation. Si tu n’anticipes pas, tu te fais mal, tu te fais peur, tu peux casser du matos. Ce n’est pas un frein mais un levier à la performance. Tu n’attends pas que le grain soit sur toi pour réduire la voilure.

As-tu en tête le mot chavirage, est-ce une autre manière de naviguer ?

"J’ai fait la connaissance de l’ACS, le système anti chavirage et cela fonctionne super bien. Nos écoutes sont en permanence installées sur l’anti chavirage. J’ai découvert aussi les nouvelles capacités du pilote automatique. Les pilotes ont incroyablement évolué ! On ne barre quasiment plus. Ca me bluffe ! Finalement, en tant que skipper, on a un rôle de management global du bateau. Certes, on a les écoutes dans les mains quand c’est nécessaire. Avec Matthieu, nous avons mis un curseur, non pas lié à la peur, mais à l’anti performance. On est capables de performer sans aller à l’extrême, sans aller trop loin.

On a beaucoup parlé de notre vision de la navigation en multicoques. Il faut qu’on soit sur la même longueur d’onde. Il n’y pas de skipper et de co-skipper, il y a deux skippers. Le mec qui est de quart a l’entière responsabilité du bateau. En monocoque, tu charges, en multicoque c’est un autre monde, il faut vraiment se mettre une limite. On ne dépassera pas notre niveau de jeu, on ne fera pas de conneries, la possibilité du chavirage est présente.

Ce qui revient sur le devant de la scène en parallèle du bon en avant technologique, c’est la gestion de l’humain. Les bateaux sont bourrés d’électronique, mais on parle aussi de la limite du bonhomme. La performance vient pour une grande partie de la forme du bonhomme. En Multi50, les bateaux sont finalement simples, on a moins de voiles qu’en Imoca, mais la résistance humaine est importante. Il faut tenir à 30 nœuds des heures durant. L’homme doit s’adapter.

 

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