L'actualité de la course

Petites joies et grands bonheurs…

Petites joies et grands bonheurs…

Le grand large fait-il le bonheur ? Vous avez quatre heures ! Vaste question, philosphique et cruciale que le bonheur à bord. La notion ne se quantifie pas seulement par sa position au classement. Question d’aptitude et de nature, le bonheur consiste aussi à trouver l’harmonie avec les éléments, être capable de positiver lorsque les conditions sont contraires ou que les pépins s’invitent à bord,… autant d’éléments qui ne sont pas sans effet sur les performances.  Pudiques ou non, ce sont les marins qui en parlent le mieux…

 

Avant hier, Jean Le Cam le clamait haut et fort dans une de ses facétieuses vidéos : « Avec Nicolas (Troussel), on est contents. Et comme je dis toujours, mieux vaut être content que pas content ! » La truculente lapalissade prend tout son sens lorsqu’un pépin s’invite à bord comme hier sur Corum l’Epargne où une petite avarie de galette de gennaker a imposé deux heures d’effort et d’équilibrisme sur le bout-dehors. Comme disait un autre vieux briscard de la Route du café Halvard Mabire ce matin : « Il est toujours gratifiant de bricoler ou de réparer quelque chose, on n'a pas l'impression de perdre son temps, même si ça en fait perdre pas mal quand on est en course ! » 

Le bonheur, une aventure

Faire contre mauvaise fortune bon coeur, tel est le quotidien en course au large. Les traces nettes et colorées des concurrents sur la cartographie et les barbules du vent qui s’agitent, font parfois oublier qu’une transat n’est pas une partie de jeu vidéo. L’adversité est permanente mais on peut semble-il y trouver une nouvelle raison d’être à l’image de Morgane Ursault-Poupon : « Parfois on peut se demander pourquoi on aime tant être en mer, tant les bons moments sont rares (…)  la vie est tout sauf confortable : on dort mal , on ne se lave pas, on mange des choses bizarres, il faut soit se débrouiller tout seul soit supporter H24 ses co-équipiers, leurs odeurs et leurs humeurs (…) Mais en fait, en  mer, on trouve quelque chose de difficile à percevoir à terre. C'est un peu comme un retour aux sources, un rapport originel avec la vie, on peut ( oui même en course) prendre le temps de se poser, de penser, divaguer, regarder les étoiles, la mer et le soleil, quand il pointe le bout de son nez. Choses que je n'arrive plus à faire à terre tant notre rythme est effreiné ! Tout ça pour vous dire que je suis heureuse en mer :) » 

Confirmation chez le benjamin de la course Martin Louchart qui part pour sa première transat à l’âge de 17 ans: « Malgré la bonne compagnie de Fred, mes proches et beaucoup de choses terrestres me manquent (sauf le lycée!). C’est l’apprentissage du large. Je sors de ma zone de confort !  Franck Proffit m’avait dit que je reviendrai différent. Je commence à en prendre conscience. Quelle aventure ! »

Résister à la frustration

L’aventure, certains la connaissent depuis belle lurette et ne viennent pas là pour découvrir ou faire de la figuration. On sait le haut niveau ingrat, souvent source d’insatisfaction : Ce qui est bien pourrait être mieux, la place gagnée n’est jamais acquise et la perfection n’est pas de ce monde. En tête hier, avec des performances clairement au dessus des ses poursuivants, Jérémie Beyou avait encore du mal à savourer. « C’est super, mais nous n’avons pas eu  les conditions rêvées pour voler depuis le début. c’est super. C’était plutôt un début course usant psychologiquement, on arrive à trouver un rythme depuis un jour ou deux. Nous avons pris notre premier petit déjeuner que ce matin avec Christopher ! » A bord des machines que sont les nouveaux IMOCA, il faut dire aussi que la vie à bord éloigne parfois de l’environnement alentour. Sébastien Simon de confirmer à midi : « Ce n’est pas comme en Figaro. Là, on cherche à se tenir dans le bateau, on s’agrippe, on ne profite pas vraiment de ce qui se passe autour  » 

Une chose est sûre, la fin de la première semaine de course réhausse l’ambiance à bord. On fait sécher les bottes, on enlève les couches de polaires et les lunettes de soleil remplacent le bonnet sur les têtes. Le bonheur sur la Route du café, c'est aussi d'être à deux et de partager une passion commune. Bateaux à plats, les duos se croisent plus facilement, on discute, on savoure. Une sorte de soulagement palpable dans les vidéos ces jours-ci et à tous les niveaux du classement. Car même lorsque les choses ne se passent pas comme prévu, rien n'empêche de chercher sur l'horizon les signes de  jours meilleurs. En guise de conclusion, le flegme de Boris Hermann vaut tous les discours du monde.

 

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