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Les marins sont-ils superstitieux ?

Les marins sont-ils superstitieux ?

Sur la plus longue des transatlantiques en course que les skippers comparent à un début de tour du monde, tout peut arriver même sur un bateau préparé aux petits oignons. Il y a peut-être une part de malchance. A l’heure où les premiers tandems sont attendus à Salvador de Bahia sans encombre ou presque (nous en saurons beaucoup plus à leur arrivée…), pourquoi ne pas soulever la question ? Et l’on sait combien les marins sont parfois superstitieux. Sans vouloir leur porter « la poisse », nous en avons discuté avec eux sur les pontons du Havre. Intéressant !

« Qu’on ne me parle pas d’animal à grandes oreilles sur mon bateau ! Je suis très superstitieux, je ne quitte pas le port le vendredi par exemple » confiait Alan Roura quelques jours avant le départ de la Transat Jacques Vabre. Le lapin est bel et bien sorti du vocabulaire marin pour avoir grignoté les bouts de chanvre des cargaisons et du coup fait chaviré les anciens navires de commerce à la voile. Il n’y a que les durs à cuire et les vieux routiers de la course au large qui s’en contrefichent après démontré que ce sont bien des sornettes : « Avant, je n’aimais pas trop qu’on parle des animaux aux grandes oreilles. Mais ça fait longtemps que je suis débarrassé de ça. A saint Malo en 2010, il y avait une nana qui faisait le tour des pontons avec un lapin en peluche. Elle branchait tous les skippers et elle se faisait jeter. Moi je lui ai dit de monter à bord, on a fait une photo et finalement, j’ai gagné la course sur le Multi 50 Prince de Bretagne ! ». Yann Eliès, quant à lui, voit la superstition comme « essayer de recréer les conditions où tu as déjà gagné. » Il n’est pas rare que certains skippers embarquent les mêmes chaussettes avec lesquelles il ont déjà signé une victoire !

Porte-bonheurs

Il y a des détails qui ne trompent pas, comme le bouchon de liège de la bouteille de champagne du baptême du bateau coincé quelque part à bord. Sur Maxi Edmond de Rothschild, il est à l’extrémité de la main-courante sous la casquette de rouf. Sébastien Josse n’est pas particulièrement superstitieux mais ce sont des petites choses rentrées dans les mœurs, comme le pense Halvard Mabire (Campagne de France) : « On a conservé le bouchon de liège de la bouteille de champagne, c’est tout. On n’a pas de vraies superstitions, c’est plus de l’amusement. J’ai vu des bateaux verts gagner, des bateaux qui avaient des noms de lapins. Je ne mets pas à l’eau un vendredi en revanche. Mais c’est surtout parce qu’il n’y a personne pour te dépanner le week-end si tu as un souci de dernière minute ! » Samantha Davies, co-skipper d’Initiatives-Cœur, en fait plus une histoire familiale. Son grand-père était commandant de sous-marin durant la seconde guerre mondiale et il a survécu, protégé selon lui par la médaille de Saint-Christophe « Quand j’avais 22 ans et que je partais pour mon premier tour du monde, le Jules Verne, mon grand-père m’a demandé de mettre la médaille. Je n’ai jamais fait de transats sans elle, et cette Transat Jacques Vabre sera ma 25e traversée de l’Atlantique ! ».

Superstitieux ? Jamais !

D’aucuns n’y pensent même pas. La question leur paraît même totalement incongrue : « On pourrait mettre un lapin dans le bateau, il n’aurait pas grand-chose à bouffer ! » éclate de rire Maxime Sorel, skipper du Class40 VandB. Comme Lionel Lemonchois, Bernard Stamm a eu l’occasion de prouver que tout cela n’était que du vent : « Sur mon Cheminées Poujoulat (Imoca), j’avais mis une piécette sous le mât et le bateau s’est quand même découpé en deux. J’aurais mieux fait de la garder. Depuis, les p’tits grigris j’oublie … ». Giancarlo Pedote, co-skipper du Newrest-Brioche Pasquier s’est parfois fait offrir des gris-gris et autres porte-bonheurs, mais rapidement le marin italien s’est rendu-compte que ça le gênait : « Pour moi, les superstitions sont des pertes d’énergie, des perturbateurs de concentration. »

Comme le dit Alex Pella : « Pour gagner une course, il ne faut pas penser à la gagner avant. Il faut être en phase avec les éléments, le vent, la mer, les autres bateaux ».

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